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Autisme adulte : à quoi s’attendre ?

autisme adulte

Que votre enfant soit autiste ou que vous le soyez vous-même, je reçois souvent des questions et inquiétudes similaires : à l’âge adulte, comment ça se passe l’autisme ? Est-ce que les troubles s’atténuent voire disparaissent pour vivre une vie « normale » ? Je n’ai évidemment pas de réponse universelle à cette question. Pour autant, je peux vous parler de mon expérience personnelle d’Asperger et de mes observations. Est-ce que l’adulte autiste a toujours des difficultés ? A-t-il développé des stratégies d’adaptation efficaces ? Connaît-il de nouveaux défis ? Comment cela se passe quand le diagnostic n’est posé qu’une fois adulte ? Essayons de voir ensemble comment peut évoluer l’autisme à l’âge adulte !

La gestion des émotions

Pour ma part, c’est un gros problème, mais je rappelle que j’ai été diagnostiquée adulte et déjà maman. Je me laisse souvent envahir par mes émotions qui finissent par déborder invariablement d’une manière ou d’une autre. C’est épuisant, et mon quotidien ne me laisse pas forcément la possibilité de m’aménager un temps de repos vital pour trier et digérer tout ça. Résultat, les shutdowns s’enchaînent à un rythme plus ou moins régulier. Si vous ne connaissez pas les meltdowns et shutdowns, je vous conseille l’excellent article de Joy de Ménilmontant 😊

En discutant avec d’autres adultes autistes, avec ou sans famille, la gestion des émotions reste globalement un truc difficile à gérer. Mais pour ceux qui ont reçu des outils et solutions pour les reconnaître, les accueillir et les canaliser, ils possèdent en général un gros avantage : ils arrivent à détecter la montée ou l’imminence d’une crise, et sont souvent en mesure de la freiner voire de l’empêcher !

Les comorbidités

Que l’autisme ait été détecté dans l’enfance ou à l’âge adulte, je constate qu’il y a certaines comorbidités qui sont présentes dans une majorité de cas. C’est pour ça que ce sont des comorbidités d’ailleurs !

Les troubles anxieux

Les troubles anxieux sont (très) fréquents, même quand on a eu l’accompagnement adéquat dès le départ ou presque. Et malheureusement, à l’heure actuelle, autisme + trouble anxieux = psychiatrie et médicamentation 😪

Pourtant, il y a bien d’autres moyens pour apprendre à gérer ces troubles anxieux. Parmi eux, les TCC, ou thérapie comportementale et cognitive. Normalement relativement brèves, elles permettent de « reprogrammer » certains comportements à l’origine de l’anxiété (ruminations, peurs, incompréhensions, évitements, etc.) afin de retrouver une meilleure qualité de vie. Bon, c’est pas magique. Mais ça permet de diminuer le niveau de l’anxiété pour qu’elle soit gérable. La méditation, la sophrologie et la cohérence cardiaque sont aussi des solutions efficaces qui permettent de « s’outiller » pour gérer les (nombreuses) situations anxiogènes.

L’hypercontrôle

L’hypercontrôle découle de cette anxiété générée par le « monde extérieur ». Cela donne des adultes rigides, incapables de faire face à un imprévu, à s’adapter à une changement ou une situation non prévue. Chez moi, ça s’est traduit par un contrôle de tout ce qui est contrôlable, et une impossibilité pendant de longs mois de sortir de ma maison. On peut dire qu’aujourd’hui, ça s’est un peu calmé, mais pas tant que ça en fait, je contrôle mon environnement. Vous voyez Sheldon Cooper et son contrat de colocation ou de couple ? C’est le genre de niveau d’hypercontrôle qui me rassure. Et non, ce n’est pas si drôle à vivre ni pour moi, ni pour mes proches 😅

L’hypercontrôle poussé à l’extrême !

La procrastination

Cela peut paraître surprenant, mais l’angoisse est une grande cause de procrastination. Je ne sais pas vous, mais moi, je peux mettre littéralement des semaines à prendre un rdv dès lors qu’il faut utiliser le téléphone. Rdv qu’il est fort probable que je repousse voire annule par peur d’y aller.

Ca fonctionne aussi avec des tâches n’impliquant pas d’entrer en communication à qui que ce soit ! M’organiser et passer à l’action me demande déjà beaucoup d’énergie, du coup il me faut parfois un temps pas possible pour faire quelque chose. La procrastination rejoint d’ailleurs les troubles des fonctions exécutives.

Le trouble des fonctions exécutives

C’est un trouble persistant assez courant à l’âge adulte. Planification, inhibition, mémoire de travail, ou pire, flexibilité (!) semblent rester compliquées, qu’il y ait eu un suivi enfant ou pas. Au quotidien, cela se traduit par des difficultés pour :

  • organiser une tâche ;
  • fixer des priorités ;
  • rester concentré sur une chose à faire ;
  • prévoir des événements ;
  • faire face aux changements et à l’imprévu !

Autant vous dire que quand on est parent, ça complique un peu le quotidien 😅 Et si en plus vous avez la chance d’avoir comme moi un enfant TSA (et TDAH !), il est juste indispensable de devenir un pro de l’organisation et du planning. Un vrai effort de chaque instant !!

Comme de préférence, tout doit être parfait, on se rajoute souvent nous-même une pression qui n’a pas lieu d’être.

Les troubles de la communication

La « lecture » du langage non verbal, des émotions, des sentiments des autres est un trouble majeur de l’autisme. Force est de constater que les enfants qui bénéficient d’une prise en charge assez tôt améliore assez bien leur compréhension de ce qui n’est pas verbalisé clairement. Pour autant, je côtoie beaucoup d’autistes Asperger adultes qui se sentent toujours perdus voire paniqués quand il s’agit de décrypter les intentions des autres. Avec pour conséquences, un retentissement plus ou moins important sur les sphères professionnelle, amicale, sentimentale et même intime. Cela crée un sentiment d’isolement pas toujours facile à vivre.

Quand on te pose une question à l’improviste 😅

Il peut ainsi être assez difficile de créer ou conserver des liens. Ou même de nouer de bonnes relations avec ses collègues de travail ou son patron. Et conduire à des situations parfois dangereuses. Pour rappel, les personnes autistes sont des proies faciles pour les personnes mal intentionnées, compte tenu de leur mauvaise compréhension des situations et de leurs difficultés à pouvoir exprimer un consentement, ou pire, un non consentement.

Incapacité à définir ses besoins …

Vous apprenez à vous fondre dans le moule depuis 10, 20, 30 ou 40 ans ? Vos capacités d’adaptation sont dignes du meilleur caméléon de la planète ? Vous répondez par tous les moyens possibles aux injonctions sociales ? Résultat, à l’âge adulte, vous ne savez pas ou plus définir vos besoins. Vous avez tellement enfoui qui vous étiez que vous vous êtes oublié.

Je trouve que c’est un problème qui se rencontre surtout chez les autistes diagnostiqués adultes. Il nous a fallu, sans outils et parfois sans soutien, rentrer dans le moule de force, au détriment souvent de qui nous étions. Et parmi les besoins auxquelles on ne pense pas, il y a ceux propres aux autistes : pouvoir se reposer régulièrement pour récupérer des « agressions » de l’environnement, consacrer du temps à ses intérêts restreints, la grande fatigabilité, avoir des activités adaptées, etc.

… et à avoir une bonne estime de soi

La conséquence de l’oubli ou la négation de ces besoins ? Une estime de soi somme toute assez pourrie. Forcément. Toutes les difficultés rencontrées, les incompréhensions, et situations problématiques sont souvent perçues par les personnes autistes comme des échecs, des preuves de leurs incompétences. La sensation d’être « une râtée », de ne jamais être à la hauteur, de faire des efforts pour rien est relatée régulièrement dans les groupes de parole. Parce que ces efforts sont rarement reconnus et valorisés par les neurotypiques. Et oui, finalement ils trouvent juste que, ce qui est en fait la somme d’un travail énorme, est juste un comportement « normal », inné. Difficile d’avoir une bonne estime de soi quand même les plus grands efforts conduisent à un résultat jugé insatisfaisant !

L’environnement, l’entourage, les choix de vie modifient évidemment les besoins et la prise en compte de ces derniers. Retrouver confiance en soi et avoir une bonne image se fait à petit pas, en ne vous mettant pas délibérément en situation d’échec. Travailler en open-space ou comme téléconseiller si vous êtes hypersensible au bruit a peu de chance de bien se terminer 😉

Alors finalement, comment ça se passe l’autisme à l’âge adulte ?

L’autisme ne disparaît pas à l’âge adulte. Ce serait comme si on s’attendait à ce qu’un aveugle recouvre la vue à 18 ans. C’est peu probable ! Les difficultés persistent dans certains domaines et peuvent fortement impacter le quotidien de l’adulte autiste. Pourtant, si vous êtes inquiets pour vos enfants, gardez cela en tête : contrairement à vous ou à vos parents, vos enfants ont de super parents qui ont su détecter leurs particularités et mettre en place les prises en charge nécessaires. Même si vous avez l’impression que ça ne sert à rien, que la méthode ABA ne donne aucun résultat, que votre enfant ne vous est pas reconnaissant, voire qu’il est dans l’opposition. Ils se sentent aimés et acceptés tels qu’ils sont. Vous leur donnez tous les outils nécessaires pour grandir et devenir des adultes autistes aussi autonome que possible !

Et si vous faites partie comme moi des autistes diagnostiqués seulement maintenant, après souvent un parcours psychique compliqué, dites-vous que vous avez désormais les clés maintenant pour vous comprendre et améliorer votre qualité de vie. Ce n’est pas toujours facile d’accepter son autisme adulte, mais ça apporte beaucoup de réponses ! C’est peut-être le déclic nécessaire pour devenir enfin vous-même et vous affranchir des normes sociales si besoin.

3 commentaires sur “Autisme adulte : à quoi s’attendre ?”

  1. Mon fils a 12 ans et j’avoue que je me projette parfois en me demandant quel adulte il sera demain. Est-ce qu’il sera autonome ? ou sur des détails qui n’ont pourtant pas spécialement d’importance : est-ce qu’il pourra conduire ? Bref pas mal de nœud au cerveau.
    Merci pour cet article.

    1. Bonsoir Sabine,
      C’est vrai que c’est assez angoissant en tant que parent d’imaginer la vie qu’auront nos enfants adultes. La bonne nouvelle, c’est qu’il y a plein d’adultes autistes qui vont bien 😊 En plus, avec les différentes prises en charge aujourd’hui, il est plus facile de leur apprendre à s’adapter sans y laisser leur santé physique ou mentale.
      Pour le permis, sincèrement, c’est plus facile avec une boite automatique 😅

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